HILDEBRAND Isabelle, François Genoud, l'insaisissable suspect du Ministère public fédéral, 1934-1991
François Genoud (1915 – 1996), extrémiste de droite, a été surveillé par le Ministère public fédéral pendant cinquante-sept ans, de 1934 à 1991. La vie de ce Lausannois d'origine s'avère fort mouvementée : après la Seconde Guerre mondiale, il acquiert les droits éditoriaux des Tischgespräche de Hitler et devient le représentant légal de l'œuvre littéraire de Goebbels. En 1957, François Genoud rencontre cinq des dirigeants du FLN et se lie notamment d'amitié avec Mohammed Khider ainsi qu'avec Ben Bella, le futur président de l'Algérie indépendante. En 1969, le Suisse s'infiltre dans le réseau du FPLP et devient par la même occasion un cerveau du terrorisme international. En effet, François Genoud et Waddi Haddad organisent des détournements d'avions afin de médiatiser le combat palestinien et de forcer l'Occident à se pencher sur la question. En 1985, Genoud fréquente l'Iranien Wahid Gordji qui est fortement soupçonné d'élaborer les attentats à la bombe qui secouent la France entre 1985 et 1987. L'étude de la vie de François Genoud permet non seulement de retracer un demi-siècle d'Histoire mais également de rendre compte de l'évolution du Ministère public fédéral puisque le Lausannois a été placé sous observation dès la création de la police politique en 1935. L'examen du dossier "Genoud" soulève de nombreuses questions : quelle forme prend une surveillance et quel cadre légal lui conférer ? En effet, comment expliquer cette ingérence d'un Etat démocratique dans la vie d'un de ses citoyens ? Par ailleurs, cet extrémiste fort controversé apparaît comme une énigme : comment comprendre qu'il n'ait jamais été poursuivi ni arrêté pour ses activités criminelles ? Aurait-il pu échapper à la vigilance du Service de renseignement helvétique ? L'accès à des dossiers inédits du Ministère public fédéral, couvrant les années critiques de l'activité de François Genoud (1960 – 1991), apporte un nouvel éclairage sur toutes ces questions et met en exergue les limites d'une surveillance. Toutefois, certaines de ces interrogations restent en suspens, l'homme ayant emporté son mystère dans sa tombe.